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155- Violations Alléguées de Droits Souverains et d’Espaces Maritimes dans la Mer des Caraïbes (Nicaragua vs Colombie)

Le 26 Novembre 2013, la République du Nicaragua a déposé devant la Cour Internationale de Justice (la Cour) une requête introductive d’instance contre la République de Colombie pour des violations alléguées de ses droits souverains et de ses espaces maritimes dans la mer des Caraïbes.

Cette affaire s’inscrit directement dans la suite du Différend Maritime et Terrestre entre le Nicaragua et la Colombie dans lequel la Cour avait procédé à l’attribution de souveraineté de certains espaces maritimes ainsi que la délimitation des plateaux continentaux entre les deux pays. Directement après le prononcé du Jugement le 19 Novembre 2012, le Président Colombien avait annoncé dans une communication officielle que son pays ne se soumettrait pas à la décision de la CIJ.

Les autorités Colombiennes avaient pris d’ importantes mesures suite à cet arrêt jugé défavorable. Au niveau international, elles ont affirmé que la CIJ était une “ennemie”. Au niveau régional, le pays a déposé les instruments de retrait du Pacte de Bogota. Enfin au niveau national, le Président de la République a d’une part refusé l’accès aux eaux internationalement reconnues par la Cour au Nicaragua, enjoint les forces navales colombiennes à défendre la zone “par le glaive” en cas de nécessité et d’autre part a édicté un Décret créant une zone contiguë unique.

Dans les conclusions contenues dans la requête introductive d’instance, le Nicaragua a demandé à la Cour de juger que:

  • La Colombie a violé l’article 4 paragraphe 2 de la Charte des Nations Unies et le droit coutumier en menaçant d’avoir recours à la force;
  • La Colombie doit se conformer au jugement du 19 Novembre 2012 et donc de cesser toute action illégale dans les espaces internationalement reconnus comme étant Nicaraguayens conformément au droit coutumier mais aussi à la Convention Internationale sur le Droit de la Mer.

La Colombie a soulevé des exceptions préliminaires:

  • Elle a tout d’abord considéré que la Cour Internationale de Justice n’avait pas compétence pour connaître de l’affaire en se fondant sur le Pacte de Bogota dans la mesure où les instruments de retrait au Pacte avaient été déposé le 27 Novembre 2012 avec effet immédiat. La Cour a noté que les dispositions pertinentes se trouvaient à l’article LVI du Pacte: si le premier alinéa permet à tout Etat partie de dénoncer le Pacte, le second alinéa spécifie que la dénonciation n’aura aucun effet sur les procédures en cours entamées avant la transmission de la dénonciation aux autres parties contractantes. Le Nicaragua pouvait donc se fonder sur le Pacte de Bogota pour attraire la Colombie devant la CIJ.
  • Elle a ensuite soutenu qu’il n’existait aucun différend entre les deux pays au sens des instruments internationaux applicables, condition préalable à toute saisine de la Cour: en l’espèce, la CIJ a noté que de nombreuses discussions formelles et informelles ont eu lieu entre les représentants des deux Etats et qu’il ressortait des propos du Président Colombien qu’aucune issue n’avait pour l’instant été trouvée. Il y avait donc bel et bien un différend entre les deux pays avant le dépôt de la requête introductive d’instance.
  • Elle a encore affirmé que la CIJ n’avait pas de “pouvoir inhérent” pour connaître de l’affaire dès lors que le Pacte de Bogota n’était pas applicable en l’espèce. Ayant conclu que l’article LVI du Pacte donnait compétence Rationae Temporis à la Cour, cette dernière n’a pas examiné ce moyen.
  • Elle a enfin conclu que la Cour n’avait pas de compétence en matière d’exécution de ses arrêts: la Cour note que ce moyen rejoint la question de son “pouvoir inhérent” à laquelle elle a déjà répondu.

La Cour s’est donc déclarée compétente pour connaître de l’affaire et a affirmé que la requête était recevable.

Jugement du 17-03-2016.pdf

La Colombie a de son côté a formulé des demandes reconventionnelles. Sur les 4 demandes présentées devant la CIJ seules 2 remplissaient les conditions de compétence de la Cour et de connexité directe avec à la demande principale. Elle a donc accepté de se pencher sur la question de savoir si le Nicaragua avait violé  le droit des pêcheurs artisanaux de l’archipel de San Andrés, y compris ceux issus de la population autochtone Raizale, d’accéder aux bancs où ils ont coutume de pêcher et d’exploiter ceux-ci. Elle examinera aussi le moyen selon lequel en adoptant le décret no 33-2013 du 19 Août 2013, qui a établi des lignes de base droites avec pour effet, selon elle, d’étendre les eaux intérieures et les espaces maritimes nicaraguayens au-delà de ce que permet le droit international, le Nicaragua a violé sa juridiction et ses droits souverains.

Ordonnance du 15-11-2017.pdf

Des audiences publiques se sont tenues du 20 Septembre au 01 Octobre 2021. La Cour a rendu son jugement sur le fond de l’affaire le 21 Avril 2022.

Elle a d’abord réaffirmé sa compétence pour connaître de l’affaire et la recevabilité de l’instance. S’agissant du fond de l’affaire, la CIJ a considéré que: 

  • La Colombie a violé les droits souverains du Nicaragua dans les eaux qui lui sont internationalement reconnues en entravant les activités de pêche ou de recherche par des bateaux et navires battant pavillon Nicaraguayens ;
  • En autorisant des activités de pêche dans les zones concernées (Zone Economique Exclusive du Nicaragua), la Colombie a violé les droits souverains du Nicaragua et doit immédiatement cesser les comportements suscités;
  • La Zone contiguë Unique établie par la Colombie dans le Décret de 2013 tel que modifié par le Décret de 2014 n’est pas conforme au droit international coutumier;
  • La Colombie doit amender son droit national et précisément le Décret de 2013 dans sa forme amendée par le Décret de 2014 afin de se conformer au droit international coutumier;
  • Les lignes de bases droites établies par le Nicaragua dans le Décret de 2013 amendé par le décret de 2018 ne sont pas conformes au droit international coutumier.
  • Toutes les autres requêtes sont rejetées.
Jugement du 21-04-2022.pdf

Ce résumé des faits de l’espèce et de la procédure est uniquement proposé à des fins d’information, n’engage en rien Dome et ne saurait remplacer la lecture attentive des jugements et ordonnances de l’affaire.