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178- Application de la Convention pour la Prévention et la Répression du Crime de Génocide (Gambie vs Myanmar)

Le 11 Novembre 2019, la République de Gambie a déposé une requête introductive d’instance devant la Cour Internationale de Justice (CIJ) contre la République de Myanmar pour des violations alléguées de la Convention pour la Prévention et la Répression du Crime de Génocide (la Convention) en son article IX. Les deux pays sont membres de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI)

En effet, la Gambie soutient que Myanmar conduit depuis plusieurs décennies une politique de persécution et de discrimination ethniques et religieuses contre le groupe Rohingya. L’Etat requérant affirme que selon les conclusions de la Mission indépendante d’établissement des faits mise en place par les Nations Unies (la Mission), l’armée du Myanmar et d’autres forces de sécurité ont commencé aux alentours d’Octobre 2016 à mener des “opérations de nettoyage”. Ces dernières visaient à détruire en tout ou en partie le groupe de Rohingya par des meurtres de masse, des viols et d’autres formes de violences sexuelles, destruction systématique de leurs villages. Le rapport établi par la Mission a conclu que le Myanmar s’était rendu coupable d’actes de génocide et que ces actes continuaient. Pour sa part, l’Etat défendeur réfute catégoriquement ces allégations affirmant que les rapports émis par la Mission étaient “entachés de parti pris et d’erreur”.

La Gambie a assorti sa requête introductive d’instance d’une demande en indication de mesures provisoires. Elle demande à la Cour d’ordonner au Myanmar de:

  • Respecter ses engagements internationaux au regard de la Convention et de prendre toutes les mesures en son pouvoir afin de prévenir tout acte constituant un crime de génocide;
  • Veiller à ce qu’aucune des militaires, paramilitaires ou unités paramilitaires qui pourraient relever de son autorité ne commette tout acte constituant un crime de génocide;
  • S’abstenir de détruire ou de rendre inaccessible tout élément de preuve se rapportant aux faits décrits dans la requête;
  • Ne prendre aucune mesure qui pourrait aggraver le différend;
  • De fournir un rapport détaillé exposant les mesures détaillées qui ont été prises pour mettre en œuvre les décisions de la Cour.

Dans son ordonnance en date du 23 Janvier 2020, la Cour a fait droit à cette requête.

Ordonnance du 23-01-2020.pdf

L’Etat défendeur a pour sa part soulevé des exceptions préliminaires tenant à la compétence de la Cour de connaître de la présente affaire ainsi qu’à la recevabilité de la requête. En effet, les autorités du Myanmar affirment:

  • Tout d’abord que c’est l’OCI et non la Gambie qui était le véritable demandeur en l’espèce dans la mesure où la Gambie était présidente d’un comité ad hoc de l’Organisation. Or, si l’institution est la véritable requérante, la CIJ ne peut avoir compétence pour connaître de l’affaire puisque seuls les Etats ont qualité pour se présenter devant la Cour;
  • Ensuite que la Gambie en tant qu’Etat partie à la Convention contre le Génocide n’est pas lésée par la situation au Myanmar et n’a donc pas qualité pour introduire une action contre lui;
  • Encore, que le Myanmar en adhérant à la Convention, a formulé une réserve en vertu de laquelle le champ d’application rationae personae de la Convention était limité aux Etats lésés, excluant ainsi la Gambie;
  • Enfin qu’il n’existait pas de différend entre les deux parties au moment du dépôt de la requête introductive d’instance.  
La Cour a rendu son jugement sur ces points le 22 Juillet 2022. 
S’agissant du point relatif au véritable demandeur en l’affaire, à savoir la Gambie ou l’OCI, la CIJ conclut que la Gambie a introduit l’instance en son nom propre et non celui de l’organisation internationale. La Gambie est bel et bien partie au Statut de la Cour et à la Convention contre le Génocide. De plus, rien ne semble laisser penser qu’il y ait un abus de procédure de la part de l’autorité Gambienne. La CIJ rejette donc la première exception préliminaire soulevée par le Myanmar.
S’agissant de la question de l’existence d’un différend entre les parties au moment du dépôt de la requête, la Cour considère que les déclarations faites par les deux pays lors des réunions de l’ Assemblée Générale de l’ONU en 2018 et 2019 prouvent une divergence de vue entre eux. Il en est de même pour les communications faites par le vice président de la Gambie, ce que le Myanmar ne pouvait ignorer. Le fait que ce dernier n’ait pas répondu à ces propos ne saurait pas être interprété comme un accord sur ces points. De plus, le Myanmar conteste le rapport de la mission mise en place par l’ONU. La Cour conclut donc qu’il existait bel et bien un différend au moment du dépôt de la requête en Novembre 2011 et rejette donc la seconde exception d’incompétence.
S’agissant de la réserve formulée par le Myanmar lors de l’adhésion du pays à la Convention contre le Génocide, la Cour rejette cette exception.
S’agissant de la question de la qualité de la Gambie pour introduire une requête, la Cour note que tout Etat partie a la possibilité d’invoquer un manquements à une obligation erga omnes partes de la Convention contre le Génocide. Un Etat n’est pas tenu de démontrer que ses propres ressortissants se sont retrouvés lésés par un fait internationalement illicite lorsqu’il s’agit de manquement à une obligation erga omnes partes. La Cour rejette donc toutes les exceptions préliminaires du Myanmar. 
 

Ce résumé des faits de l’espèce et de la procédure est uniquement proposé à des fins d’information, n’engage en rien Dome et ne saurait remplacer la lecture attentive des jugements et ordonnances de l’affaire