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171- Sentence Arbitrale du 03 Octobre 1899 (Guyana vs Venezuela)

Le 29 Mars 2018, la République du Guyana (l’Etat requérant) a déposé devant la Cour Internationale de Justice (CIJ ou la Cour) une requête introductive d’instance contre la République Unie du Venezuela (l’Etat défendeur) pour des violations alléguées de la sentence arbitrale du 03 Octobre 1899 concernant la délimitation des frontières entre les deux Etats.

Le Guyana soutient qu’ en application du traité d’arbitrage entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis du Venezuela, signé le 02 Février 1897 à Washington ( ci-après, le « traité de Washington »), la sentence de 1899 portait « règlement complet, parfait et définitif » de toutes les questions intéressant la détermination de la ligne frontière entre la colonie de la Guyane britannique et le Venezuela. Entre novembre 1900 et juin 1904, une commission des limites anglo-vénézuélienne a relevé, démarqué et fixé de manière permanente la frontière établie par la sentence de 1899. Leurs conclusions ont été entérinées dans une une déclaration conjointe, accompagnée de cartes, conformément à la sentence de 1899 ( ci-après, l’« accord de 1905 »).

De 1899 à l’accession à l’indépendance du Guyana en 1966, toutes les parties (Royaume-Uni en tant qu’ancienne puissance coloniale, Guyana en tant qu’Etat nouvellement indépendant en 1966 et Venezuela, état voisin) n’ont cessé de reconnaître que la sentence de 1899 et l’accord de 1905 avaient définitivement réglé toutes les prétentions territoriales et fixé de manière permanente  la frontière terrestre entre la Guyane britannique et le Venezuela. Cette position a été maintenue par le Guyana depuis 1966.

Le Venezuela pour sa part n’aurait commencé à contester la sentence de 1899 et l’accord de 1905 qu’en 1962, au moment où le Royaume-Uni achevait les préparatifs en vue de l’accession à l’indépendance de la Guyane britannique. L’Etat défendeur revendique maintenant l’intégralité du territoire situé à l’ouest du fleuve Essequibo. Des négociations avec le Royaume-Uni ont abouti à la signature d’un accord à Genève en Février 1966 (l’accord de Genève de 1966) prévoyait le recours à une série de mécanismes en vue de résoudre définitivement le différend causé par la volte-face du Venezuela. Pendant plus de cinquante ans, depuis l’entrée en vigueur de l’accord de Genève, les Parties ont recouru au moyen de règlement prévu par celui-ci, mais ne sont pas parvenues à résoudre le différend. Le 30 janvier 2018, près de 52 ans après la signature de l’accord de Genève, le Secrétaire général, M. António Guterres, est parvenu à la conclusion que la procédure des bons offices n’avait pas permis d’aboutir à un règlement pacifique du différend. Il a alors pris, conformément au paragraphe 2 de l’article IV de l’accord, la décision, officielle et contraignante, de choisir un autre des moyens de règlement prévus par l’article 33 de la Charte, en l’occurrence la CIJ. Le Guyana a déposé la présente requête en application de la décision du Secrétaire général.

Le Venezuela a soulevé des exceptions préliminaires, affirmant qu’il n’avait jamais accepté la compétence de la Cour Internationale de Justice dans cette affaire et a refusé de participer aux débats à ce stade. Dans son jugement en date du 18 Décembre 2020, la Cour a affirmé qu’elle avait compétence pour connaître de l’affaire dans la mesure où elle se rapporte à la validité de la sentence arbitrale du 03 Octobre 1899 et à la question connexe du règlement définitif du différend concernant la frontière terrestre entre la République coopérative du Guyana et la République bolivarienne du Venezuela. Elle n’a cependant pas compétence pour connaître des demandes de la République coopérative du Guyana qui sont fondées sur des faits survenus après la signature de l’accord de Genève.

Jugement du 18-12-2020.pdf

Le Venezuela a finalement souhaité prendre part à l’instance et a soulevé des exceptions préliminaires tendant à la compétence de la Cour et la recevabilité de la requête portant sur:

  • L’introduction unilatérale d’une requête par le Guyana sur le fondement de l’accord de Genève de 1966;
  • La légitimité de la procédure entachée par la non-participation du Royaume-Uni;
  • La légitimité de la demande du Guyana qui n’existait pas au moment de la signature des traités de Washington en 1897, de la sentence arbitrale de 1899, de l’accord de 1905 ou encore de l’accord de Genève de 1966. Il n’aurait donc pas qualité pour demander la confirmation de la sentence arbitrale de 1899.

La Cour a rendu son ordonnance le 06 Avril 2023 et a considéré que tous les arguments du Venezuela revenaient à soutenir que la CIJ ne pouvait se prononcer sur le fond de l’affaire sans la participation du Royaume-Uni qui serait une partie indispensable en l’espèce. Le Venezuela soutient que c’est sous l’effet de la contrainte et de la tromperie du Royaume-Uni qu’il a conclu le traité de Washington. Il allègue en outre que, au cours de la procédure arbitrale, certains échanges indus ont eu lieu entre les conseils du Royaume-Uni et les arbitres que celui-ci avait désignés, et que le Royaume-Uni a sciemment produit des cartes «trafiquées» et «falsifiées» devant le tribunal arbitral, ce qui, de son point de vue, rend la sentence de 1899 «nulle et non avenue». Le Guyana avance que la Cour devrait rejeter l’exception préliminaire du Venezuela car cet Etat n’a pas d’intérêt juridique susceptible d’être touché par la décision de la Cour sur la validité de la sentence de 1899, et a fortiori pas d’intérêt susceptible de «constituer l’objet même» de la décision.

Après examen de l’Accord de Genève et de la pratique ultérieure des parties, la Cour conclut que le Royaume-Uni a, de par sa qualité de partie à l’accord de Genève, accepté que le différend entre le Guyana et le Venezuela puisse être réglé par l’un des moyens prévus à l’article 33 de la Charte des Nations Unies, et admis qu’il ne jouerait aucun rôle dans cette procédure. Dans ces conditions, la Cour estime que le principe de l’Or monétaire n’entre pas en jeu en l’espèce. Il en résulte que même si, dans son arrêt au fond, la Cour était appelée à se prononcer sur certains comportements   imputables au Royaume-Uni, ce qui ne peut être déterminé à présent, cela ne ferait pas obstacle à ce qu’elle exerce sa compétence, qui est fondée sur l’application de l’accord de Genève. L’exception préliminaire soulevée par le Venezuela doit donc être rejetée.

 
Ce résumé des faits de l’espèce et de la procédure est uniquement proposé à des fins d’information, n’engage en rien Dome et ne saurait remplacer la lecture attentive des jugements et ordonnances de l’affaire.