Sébastien Germain Marie Aikoue Ajavon vs République du Bénin
Le 22 Juin 2020, M. Aikoue Ajavon, Requérant, a déposé une requête introductive d’instance devant la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Cour) contre la République du Bénin pour des violations alléguées de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Charte) en ses articles 7(1), 7(1)(a), 7(1)(c), 14, 16 et 18.
En effet, M. Aikoue Ajavon soutient que l’Etat Béninois a ouvert contre lui une information judiciaire pour « faux en écriture publique, complicité de faux en écriture publique et escroquerie » devant la Cour de Repression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET). Cette dernière a rendu en premier ressort à son encontre un arrêt de non-lieu partiel et de renvoi devant la chambre des jugements de la CRIET. Cette décision a été confirmée par la Section de I’instruction des Appels de la CRIET le 18 Juin 2020. Ce même jour, il a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt de confirmation.
Le 25 Mars 2020, la République du Bénin a déposé les instruments de retrait de la déclaration de compétence de la Cour de recevoir des requêtes émanant des individus et des organisations non gouvernementales. En rendant sa décision le 02 Décembre 2021, la Cour a été fidèle à sa jurisprudence constante de traiter toutes les affaires enrôlées au greffe avant la date d’entrée en vigueur du retrait de la déclaration.
Le Requérant a assorti sa requête d’une demande en indication de mesures provisoires sollicitant la suspension des arrêts rendus à son encontre par la CRIET et de toute condamnation subséquente, dans l’attente d’une décision par la présente Cour sur le fond du litige.
La Cour a rendu son ordonnance sur ce dernier point le 27 Novembre 2020. Elle a tout d’abord vérifié qu’elle a compétence prima facie pour se prononcer sur l’affaire conformément à l’article 3(1) du Protocole de la Cour:
- Le Bénin est partie à la Charte et au Protocole de la Cour et a déposé la déclaration permettant aux indivdus et ONG de déposer des requêtes devant la Cour. Le pays a cependant déposé les instruments de retrait de cette Déclaration le 25 Mars 2020. La Cour a appliqué sa jurisprudence constante selon laquelle le retrait n’a pas d’effet rétroactif sur les affaires pendantes devant la Cour et a donc procédé à l’examen des autres conditions de validité de sa compétence;
- Les violations alléguées par les Requérants concernent des droits protégés dans des instruments auxquels l’Etat défendeur est partie.
La Cour conclut donc qu’elle a compétence prima facie pour connaître de cette affaire et elle s’est aussi assurée de la recevabilité de la requête.
S’agissant des mesures provisoires demandées, la Cour a conclu que les conditions d’extrême gravité et d’urgence susceptibles de causer un préjudice irréparable aux Requérants nécessaires pour ordonner des mesures provisoires, ne sont pas réunies notamment parce que le pourvoi en cassation a un effet suspensif. En conséquence, elle a rejeté la demande en indication de mesures provisoires.
Le pourvoi en cassation qu’il a formé devant la Cour suprême du Bénin a été rejeté par un arrêt du 29 Janvier 2021. Le Requérant a une fois de plus introduit une demande en indication de mesures provisoires tendant à faire suspendre les effets des arrêts rendus à son encontre par la CRIET et la Cour suprême, dans l’attente d’une décision par la présente Cour sur le fond du litige. Appliquant le même raisonnement, la Cour a affirmé qu’elle avait une compétence prima facie pour connaître de l’affaire. En l’espèce, la chambre de jugement du CRIET avait rendu un jugement contre le Requérant le 01 Mars 2021. La demande en indication de mesures provisoires devient donc sans objet.
Le requérant a introduit une troisième demande en indication de mesures provisoires dans la foulée afin de faire suspendre les effets du jugement du 01 Mars 2021 qui le condamnait à une à une peine de 20 ans, assortie d’un mandat d’arrêt. La Cour a affirmé qu’elle avait compétence prima facie pour connaître de l’affaire. Les conditions d’urgence et de risque de préjudice irréparable sont réunies. La juridiction Africaine a donc enjoint la République du Bénin à surseoir à l’exécution de l’arrêt du 01 Mars 2021 jusqu’à l’examen de la requête au fond.
S’agissant de la procédure sur le fond, le Bénin a soulevé des exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité de la requête. La Cour a rendu son jugement le 02 Décembre 2021 et a considéré que si elle était effectivement compétente pour connaître de l’affaire, la requête n’était pas recevable dans la mesure où le Requérant avait déposé la requête devant la Cour de céans 2 jours après avoir formé un pourvoi en cassation devant la Cour Suprême Béninoise. Les recours internes n’avaient donc pas été épuisés au moment de l’introduction d’instance, condition nécessaire pour la recevabilité d’une requête.
Ce résumé des faits de l’espèce et de la procédure est uniquement proposé à des fins d’infomation, n’engage en rien Dome et ne saurait remplacer la lecture attentive des jugements et ordonnances de l’affaire.