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Kouassi Kouame Patrice et Baba Sylla vs République de Côte d’Ivoire

Le 23 Avril 2021, Messieurs Kouassi Kouame Patrice et Baba Sylla (ensemble les requérants) ont déposé une requête introductive d’instance contre la République de Côte d’Ivoire (l’Etat défendeur) devant la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Cour ou la CADHP) pour des violations alléguées de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuple (la Charte) en ses articles 7 et 13.

Les requérants étaient des membres du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire – Rassemblement Démocratique Africain (PDCI-RDA) et candidats aux élections législatives du 06 Mars 2021. Alléguant des irrégularités matérielles et des violations des lois électorales, ils ont saisi le Conseil constitutionnel d’un recours en invalidation des résultats provisoires dans la circonscription électorale n°053, Yamoussoukro Commune 2. Le 22 mars 2021, le Conseil constitutionnel a rejeté le recours des Requérants au motif que ceux-ci ne rapportaient pas la preuve des irrégularités qu’ils dénoncent, lesquels ont alors saisi la Cour de céans.

Le 29 Avril 2020, la République de Côte d’Ivoire a déposé les instruments de retrait de la déclaration de compétence de la Cour de recevoir des requêtes émanant des individus et des organisations non gouvernementales. En rendant sa décision le 22 Septembre 2022, la Cour a été fidèle à sa jurisprudence constante de traiter toutes les affaires enrôlées au greffe avant la date d’entrée en vigueur du retrait de la déclaration.

De manière liminaire, la Cote d’Ivoire a soulevé des exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité de la requête. Après examen des moyens présentés, la Cour a conclu à la recevabilité de l’affaire et s’est déclarée compétente pour en connaître. Elle s’est ensuite tournée sur le fond de l’affaire.

S’agissant tout d’abord de la violation alléguée du droit à être entendu par une juridiction indépendante et  impartiale (article 7 de la Charte), les Requérants prétendent que la composition et le mode de nomination des membres du Conseil Constitutionnel n’offrent aucun gage d’indépendance et d’impartialité de cet organe, ce que la Côte d’Ivoire défend vigoureusement en s’appuyant sur l’article 126 de la Constitution. Les Requérants affirment aussi que le Conseil Constitutionnel n’a pas motivé sa décision. L’Etat défendeur affirme que ces allégations sont “graves et infondées”. Après examen des moyens présentés, la Cour a considéré que la juridiction a fondé sa décision sur des arguments objectifs et assez clairs donnant aux parties l’assurance qu’elles ont été entendues.

S’agissant ensuite de la violation alléguée du droit à l’exercice d’activité politique (article 13 de la Charte), les Requérants prétendent que leurs délégués ont été exclus et chassés de plusieurs bureaux de vote les empêchant ainsi de procéder aux vérifications des opérations qu’ils estimaient nécessaires et que dans de nombreux bureaux de vote, les agents électoraux ont empêché des électeurs de leur parti PDCI-RDA de voter alors qu’ils en avaient le droit. L’Etat défendeur n’a pas répondu à ces allégations de manière directe mais a mis en garde contre les manœuvres à visée politique de certains citoyens. La Cour note que l’article 13 de la Charte ainsi que d’autres instruments internationaux garantissent le droit à l’exercice d’une activité politique, ce qui sous-entend le droit non seulement d’exercer son droit de vote mais aussi celui de se présenter à des élections. Entraver d’une quelconque manière ces droits constitue une violation de l’article 13 de la Charte. Or, en l’espèce, l’Etat défendeur ne réfute pas les contentions des requérants. Partant, il y a donc bien eu violation du droit de participer aux affaires publiques de l’Etat.

S’agissant encore de la violation alléguée du droit à la sincérité du scrutin (article 13 de la Charte), les Requérants allèguent que de multiples et graves irrégularités ont entaché les opérations de vote, de contrôle du scrutin, du recensement des suffrages ainsi que de la collecte des procès-verbaux. Dès lors, les résultats transmis au Conseil constitutionnel par la Commission Electorale Indépendante n’étaient ni authentiques, parce qu’ils ne respectaient pas les prescriptions formelles édictées par les règlements, ni sincères parce qu’ils ne reflétaient pas le comptage exact du vote. La Cote d’Ivoire met en cause les manœuvres dilatoires des politiciens requérants. La Cour constate que certains procès-verbaux transmis n’ont pas d’hologramme (stickers), mesures prescrites par la règlementation en vigueur comme un gage de sécurité et d’authentification. L’absence de ces stickers porte atteinte à l’authenticité des procès-verbaux d’élection, ce qui contrevient à l’article 13 de la Charte. Elle n’a cependant pas fait droit à la demande des requérants sur la question des irrégularités manifestes ayant entaché le scrutin.

S’agissant enfin de la violation alléguée du droit à la sécurité sur sa personne (article 6 de la Charte), les Requérants soutiennent n’avoir pas pu bénéficier de la protection des forces de sécurité pourtant dues à tous les candidats pendant la campagne. L’Etat défendeur n’ayant pas conclu sur ce point, la Cour a conclu que le droit des requérants a bel et bien été violé au regard des éléments fournis.

La Cour a accordé aux requérants la somme de 3.485.000 FCFA au titre de réparation pour le préjudice subi.

Jugement du 22-09-2022.pdf

Ce résumé des faits de l’espèce et de la procédure est uniquement proposé à des fins d’information, n’engage en rien Dome et ne saurait remplacer la lecture attentive des jugements et ordonnances de l’affaire.