Ernest Karatta et al. vs République Unie de Tanzanie
Le 26 Janvier 2017, M. Ernest Karatta et 1746 autres personnes, requérants, ont déposé une requête introductive d’instance devant la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Cour) concernant des violations alléguées de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Charte) en ses articles 2, 3(2), 14 et 15.
Les requérants, tous ressortissants Tanzaniens, anciens employés par la défunte Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), affirment n’avoir pas reçu la totalité de leurs indemnités de fin de services lors de la dissolution de l’institution. Ils ont intenté une action en paiement desdites sommes contre la République Unie de Tanzanie devant la Haute Cour de Dar-Es-Salaam le 09 Mai 2003. Cependant, un règlement amiable entre les Parties a été trouvé en 2005 et a abouti au retrait de la plainte devant les tribunaux.
L’accord, qui prévoyait le versement par la Tanzanie de la somme de 117 Milliards de shillings au collectif des anciens employés avait été entériné par la Haute Cour le 21 Septembre 2005. Les paiements ont commencé à être versés dans la foulée. Au courant de l’année 2010, certains ayants droit ont affirmé n’avoir pas reçu la totalité de leurs indemnités au regard de différents textes. Ils ont introduit une action devant la Haute Cour le 15 Octobre 2010 afin de percevoir ce qu’ils estimaient être le solde de leurs droits. Cette demande a été rejetée. Cette décision a été cassée par la Cour d’appel qui a renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant la Haute Cour, autrement composée.
La Haute Cour, dans une formation différente que celle qui avait auparavant siégé, a rejeté la demande du collectif des anciens employés le 23 Mai 2011 de prendre une ordonnance contre l’Etat de Tanzanie. Les requérants ont donc formé un recours devant la Cour d’appel pour la seconde fois. Par arrêt du 25 Janvier 2016, la Cour d’appel a confirmé la décision de la Haute Cour.
Le lendemain de ce jugement, les requérants ont introduit la présente action devant la Cour de céans. Ils reprochent notamment à la Tanzanie d’avoir violé les principés protégés par la Charte à savoir le droit à la non-discrimination, le droit à l’égale protection devant la loi, le droit à la propriété et le droit au travail.
Le 21 Novembre 2019, la République de Tanzanie a déposé les instruments de retrait de la déclaration de compétence de la Cour de recevoir des requêtes émanant des individus et des organisations non gouvernementales. En rendant sa décision le 30 Septembre 2021, la Cour a été fidèle à sa jurisprudence constante de traiter toutes les affaires enrôlées au greffe avant la date d’entrée en vigueur du retrait de la déclaration.
De manière liminaire, la Tanzanie a soulevé des exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité de la requête. Après examen des moyens présentés, la Cour a conclu à la recevabilité de l’affaire et s’est déclarée compétente pour en connaître. Elle s’est ensuite tournée sur le fond de l’affaire:
- S’agissant tout d’abord de la violation alléguée du droit à la non discrimination (art 2 de la Charte): les requérants affirment que le refus de paiement des sommes mentionnées constituent une violation dudit article, ce que l’Etat défendeur nie. La Cour précise qu’une différence de traitement ne devient discriminatoire que lorsque cette dernière n’a pas de justification ni objective ni raisonnable et qu’elle n’est nin necessaire ni proportionnée à l’objectif visé. En l’espèce, les requérants n’ont pas réussi à démontrer en quoi ils ont été discriminés par rapport à un groupe de personnes en une situation similaire. La Cour a donc rejeté ce premier moyen;
- S’agissant ensuite de la violation alléguée de l’égale protection devant la loi (art 3(2) de la Charte): la Cour a noté que les requérants n’avaient fourni aucun détail sur la manière dont ce droit avait été violé et a donc rejeté ce moyen;
- S’agissant encore de la violation alléguée au droit de propriété (art 14 de la Charte): les requérants soutiennent que le terme “biens” contenus dans l’article sus-visé comprend les salaires et indemnités et qu’en ne versant pas lesdites sommes, l’Etat Tanzanien violait les dispositions de la Charte. Le defendeur réfute ce point. La Cour note que le point central de l’affaire est l’accord conclu entre les deux parties et homologué par décision du 21 Septembre 2005. Ce sont donc les parties elles-mêmes qui ont réglé le différend et la Cour ne relève aucune violation des garanties procédurales devant les juridictions nationales. Elle a donc rejeté ce moyen:
- S’agissant enfin de la violation alléguée du droit au travail (art 15 de la Charte) et plus précisément le droit à la rémunération: la Cour estime que les Requérants n’ont pas démontré en quoi l’État défendeur a violé leur droit au travail, en général, et leur droit à la rémunération, en particulier. Dans ces conditions, la Cour ne trouve aucune raison d’interférer avec les conclusions des juridictions internes et rejette donc les allégations des Requérants sur ce point.
Ce résumé des faits de l’espèce et de la procédure est uniquement proposé à des fins d’infomation, n’engage en rien Dome et ne saurait remplacer la lecture attentive des jugements et ordonnances de l’affaire.