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Harold Mbalanda Munthani vs République du Malawi

Le 28 Juillet 2017, M. Harold Mbalnda Munthani, requérant, à déposé devant la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Cour ou la CADHP), une requête introductive d’instance contre la République du Malawi, pour des violations alléguées de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Charte) en ses articles 3, 7 et 14, ainsi que les articles 14 et 16 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (le Pacte).

M. Munthani, fils de feu M. Mbalanda Mweziwapala Munthani (le de cujus), affirme que le gouvernement Malawite appliquant une loi sur la confiscation, avait confisqué tous les biens appartenant au du cujus le 26 Janvier 1976 sans aucune compensation. Suite à l’adoption d’une nouvelle constitution de 1994, le Malawi a créé un Tribunal national d’indemnisation qui avait pour compétence exclusive de connaître des griefs concernant la responsabilité civile et pénale alléguée du Malawi pour des actes survenus avant 1994. Le requérant soutient que le de cujus avait introduit une instance devant ce Tribunal, afin de recevoir une indemnisation pour la confiscation de ses biens. En juin 2003, l’administrateur du Tribunal a recommandé aux autorités compétentes que les biens du de cujus lui soient restitués.

Suite au refus du gouvernement Malawite de restituer les biens litigieux, le de cujus a introduit une requête devant la Haute Cour du Malawi, qui le 21 Octobre 2005 a jugé que la confiscation des biens de M. Muthani sans indemnisation constituait une violation de son droit de propriété, ordonnait une restitution des biens ainsi que le paiement de dommages. Cependant, lorsque l’affaire a été inscrite au rôle pour évaluation de dommages et intérêts, la Haute Cour a rendu une ordonnance de rejet de la demande d’indemnisation pour forclusion en application de la loi sur la prescription. Malgré les différentes procédures entreprises, le requérant soutient que son feu père, de cujus, est mort en Novembre 2010 sans avoir reçu aucune compensation pour la confiscation de ses biens. Dans une correspondance en date du 23 Mai 2016, l’Attorney General du Malawi a indiqué au requérant qu’aucune indemnité ne pouvait être accordée en dehors du cadre du Tribunal, dont le mandat était arrivé à expiration.

De manière liminaire, le Mali a soulevé des exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité de la requête. Après examen des moyens présentés, la Cour a conclu à la recevabilité de l’affaire et s’est déclarée compétente pour en connaître. Elle s’est ensuite tournée sur le fond de l’affaire:

S’agissant tout d’abord de la violation alléguée du droit à une égale protection de la loi (article 3 de la Charte) pour n’avoir pas prévu une indemnisation et pour avoir exclu la compétence des juridictions internes pour connaître des recours connexes. Le Malawi répond pour sa part que le requérant dispose toujours des voies de recours internes pour faire valoir le même droit. Après examen des éléments présentés, la Cour a conclu que le Tribunal constitué aux fins de connaître du contentieux de l’indemnisation des victimes a connu de plusieurs requêtes d’autres citoyens, lesquels ont bénéficié de voies de recours et ont reçu compensation pour la confiscation de leurs biens. Le de cujus pour sa part n’a pas pu obtenir restitution du fait de la fin de mandat du Tribunal, qui n’a pas été prolongé par la gouvernement malawite. Dans la mesure où seul ce Tribunal était compétent pour connaître de ces affaires, les autres de voies de recours n’étaient pas disponibles au de cujus. Le vide juridique créé constitue au sens de la Cour une violation de l’article 3(2) de la Charte.

S’agissant ensuite de la violation alléguée du droit à ce que sa cause soit entendue (article 7(1) de la Charte), le requérant prétend que la non-exécution de la décision du Tribunal, la non prorogation de la durée de son mandat et l’exclusion de la compétence des juridictions ordinaires constituent une violation de ses droits. Le Malawi réfute cet argument. La Cour a décidé que:

  • Les communications du Tribunal dans lesquelles ce dernier recommandait la restitution des biens du de cujus n’avaient pas la même force exécutoire qu’une décision judiciaire. Partant, la non-exécution du Gouvernement n’était pas une violation du droit à ce que la cause du défendeur soit entendue;
  • La non prorogation du mandat du Tribunal alors qu’il n’avait pas vidé toutes les affaires pendantes devant lui place nécessairement les plaignants dont le requérant, dans une situation d’insécurité juridique, incompatible avec le droit du défendeur à ce que sa cause soit entendue;
  • Conformément à sa jurisprudence constante, le fait d’écarter la compétence des juridictions internes (en l’occurrence ici la Cour Suprême et la Cour Constitutionnelle) entraîne généralement une violation du droit à ce que sa cause soit entendue. Le fait que le Tribunal ait un mandat limité dans le temps et qu’il ait eu la compétence exclusive pour connaître de ce contentieux contribue à la violation du droit du Requérant.

S’agissant enfin de la violation alléguée du droit à un recours (articles 1 et 7 de la Charte), la Cour affirme que le droit à un recours est compris dans l’obligation de mettre en place des mécanismes judiciaires ou autres pour remédier aux violations alléguées des droits substantiels protégés par la Charte ainsi que dans le droit à ce que sa cause soit entendue. Au vu des éléments présentés devant elle, la CADHP conclut que le fait de ne pas avoir restitué les biens du de cujus et de ne pas l’avoir indemnisé pour le préjudice subi constitue une violation des articles 1 et 7 de la Charte.

La Cour alloue 210 millions de Kwachas au Requérant et à sa famille au titre de compensation pour les préjudices subis.

Jugement du 23-06-2022.pdf

Ce résumé des faits de l’espèce et de la procédure est uniquement proposé à des fins d’information, n’engage en rien Dome et ne saurait remplacer la lecture attentive des jugements et ordonnances de l’affaire.