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Les Etats Unis ont violé le Traité de l’Amitié selon la Cour Internationale de Justice

La Cour Internationale de Justice rendait ce 30 Mars 2023 son arrêt dans l’affaire Certains Actifs Iraniens opposant l’Iran aux Etats Unis. Après une session longue de plus d’une heure, le Vice-Président de la CIJ a lu le dispositif de l’arrêt, largement, mais pas totalement, en faveur de l’Etat Islamique d’Iran.

UN Photo/ICJ-CIJ/Wiebe Kiestra. Avec l’aimable autorisation de la CIJ. Tous droits réservés.

Pour rappel

Le gouvernement de Téhéran avait déposé une requête introductive d’instance devant l’organe judiciaire des Nations Unies le 14 Juin 2016 pour des violations (alors) alléguées du Traité d’Amitié, de relations économiques et de droits consulaires (le Traité d’Amitié) qui avait été signé par les deux pays à Téhéran en 1955 et entré en vigueur en 1957. L’Iran reprochait notamment aux Etats-Unis d’avoir admis des actions intentées par des particuliers devant les juridictions nationales américaines contre l’Etat islamique, ce qui constituerait non seulement une violation du principe général des immunités de juridiction mais un manquement à l’accord bilatéral liant les deux pays.

Les Etats-Unis avait pour leur part affirmé que ces actions devaient être replacées dans un cadre plus large qui prend sa source en 1979, date du renversement du Shah d’Iran. Depuis lors, les Etats Unis affirment que l’Iran a à maintes reprises violé le droit international: selon Washington, l’Iran serait responsable de la mort de 241 soldats américains stationnés au Liban, en 1983. L’année suivante en 1984, les Etats Unis ont placé l’Iran sur la liste des Etats soutenant le terrorisme. Le gouvernement de Téhéran y demeure jusqu’à ce jour.

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L’Hayatollah Ruholla Khomeini, guide suprême de la nouvelle République Islamique d’Iran jusqu’à sa mort.

Des implications juridiques importantes

La qualification d’Etat soutenant le terrorisme a des répercussions juridiques importantes en droit national américain. En effet, la combinaison de certains textes juridiques: le Foreign Services Immunities Act dans sa version amendée de 2008, le Terrorism Risk Insurance Act de 2002 et le Décret présidentiel numéro 13599 de 2012, permettent  de suspendre l’immunité de juridiction mais aussi d’exécution devant les tribunaux nationaux. Concrètement, un particulier peut attraire devant une juridiction nationale américaine l’Etat d’Iran, et peut si son action est favorablement reçue, se faire payer sur les actifs bloqués ou non, non seulement de l’Etat Iranien mais aussi de toute société dans laquelle ce dernier aurait un intérêt et/ou exercerait un contrôle qui se trouvent sur le territoire des Etats-Unis ou en la possession ou sous le contrôle d’une personne ou entité américaine.

C’est d’ailleurs ce qui s’est passé dans l’affaire Peterson où la famille de l’un des soldats tués à Beyrouth a gagné son procès contre l’Etat d’Iran et pour la désintéresser, l’Etat américain a saisi des avoirs de sociétés iraniennes, qui ont pourtant une personnalité distincte de celle de l’Etat Islamique. Au moment il introduisait son action devant la CIJ, l’Iran devait payer la somme de 56 milliards de dollars américains dans le cadre de ces procédures.

La décision de la CIJ

Dans sa décision du 30 Mars 2023, la Cour a d’abord établi de sa compétence: elle s’est par exemple reconnue incompétente pour juger des décisions prises par rapport aux avoirs de la banque centrale iranienne qui avait été saisis car la banque ne pouvait pas prétendre au statut de société au sens du Traité de l’Amitié, dont la violation est alléguée. Cependant, la CIJ a considéré que l’arsenal judiciaire américain était trop large dans son application pour être raisonnable ce qui avait indûment porté atteinte aux droits des sociétés iraniennes qui ne disposaient d’aucun recours viable devant les juges américains. La Cour a aussi considéré que la saisie des biens constituait une expropriation sans compensation au détriment de l’Iran; tout ceci était en violation avec le Traité de l’Amitié que les Etats-Unis ont par ailleurs dénoncé en 2018.

Il faut cependant noter que l’Iran n’a pas eu gain de cause sur toutes ses prétentions, la Cour ayant par exemple considéré que les Etats-Unis n’avait pas violé leur obligation relative à la liberté en matière de transfert de change ou à la protection et la sécurité des biens se trouvant sur le sol américain.

Et Maintenant?

La Cour a affirmé que l’Iran devait recevoir compensation pour le préjudice subi, a renvoyé les parties aux négociations pour leur permettre de trouver un accord sur le montant de l’indemnisation. Le cas échéant, la CIJ se prononcera sur les réparations.

Plus intéressantes seront les retombées de cette affaire. En effet, plusieurs actions sont pendantes devant les tribunaux et la législation fautive est encore en vigueur. La réaction des deux parties reste attendue.

Publié 30/03/2023